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c’est comme le mot semer par rapport au grain ; on a donc pu dire :

Semant sa lumière divine[1].

On peut employer ce mode de métaphore et, d’une autre façon aussi, en appliquant une dénomination étrangère (à l’objet dénommé), lui dénier quelqu’une de ses qualités propres ; comme, par exemple, si l’on disait du bouclier non pas la coupe de Mars, mais la coupe sans vin[2]

X. Le nom forgé est celui que le poète place sans qu’il ait été employé par d’autres. Quelques mots semblent avoir ce caractère ; ainsi les cornes, appelées ἐρνύται, le prêtre, appelé ἀρητήρ.

XI. Le nom est allongé, raccourci, d’une part lorsqu’on emploie une voyelle plus longue que celle du mot usuel, ou qu’une syllabe est intercalée ; d’autre part, si on lui retranche quelque partie. Exemple de nom allongé : πόλεος devenu πόληος ; Πηλείδου devenu Πηληϊάδεω ; — de nom raccourci : κρῖ[3], δῶ[4], et dans ce vers :

Toutes deux ont une seule et même figure[5].

XII. Le nom est altéré lorsqu’une partie du mot énoncé est rejetée et une autre faite (arbitrairement).

  1. Vers d’un poète inconnu. Cp. Lucrèce, II, 211, et Virgile, Énéide, II, 584, qui ont reproduit cette métaphore.
  2. Cp. Rhétorique, III, 6. — Le manuscrit de Paris 2040 présente ici un espace blanc, signe de lacune. Cette lacune porterait sur l’explication du κόσμος, de l’ornement.
  3. Pour κρῖμνον, farine d’orge.
  4. Pour δῶμα, demeure.
  5. Ὤψ pour ὄψις. Cette citation d’Empédocle est rapportée aussi par Strabon (l. VIII), qui cite un second exemple de ὄψ pour ὄψις, tiré d’Antimaque.