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hommes, mais des actions, de la vie, du bonheur et du malheur ; et en effet, le bonheur, le malheur, réside dans une action, et la fin est une action, non une qualité.

XII. C’est par rapport aux mœurs que les hommes ont telle ou telle qualité, mais c’est par rapport aux actions qu’ils sont heureux ou malheureux. Aussi ce n’est pas dans le but d’imiter les mœurs que (les poètes tragiques) agissent, mais ils montrent implicitement les mœurs de leurs personnages au moyen des actions ; de sorte que ce sont les faits et la fable qui constituent la fin de la tragédie ; or la fin est tout ce qu’il y a de plus important.

XIII. Je dirai plus : sans action, il n’y aurait pas de tragédie, tandis que, sans les mœurs, elle pourrait exister ; et en effet, chez la plupart des modernes, les tragédies n’ont pas de place pour les mœurs[1], et, absolument parlant, beaucoup de poètes sont dans ce cas[2]. Ainsi, chez les peintres, c’est ce qui arrive à Zeuxis comparé à Polygnote. Polygnote est un bon peintre de mœurs, tandis que la peinture de Zeuxis n’a aucun caractère moral.

XIV. Ce n’est pas tout : si l’on débitait une suite de tirades morales et des discours ou des sentences bien travaillées, ce ne serait pas là ce que nous disions tout à l’heure constituer une œuvre tragique ; on le ferait beaucoup mieux en composant une tragédie où ces éléments seraient moins abondants, mais qui possèderait une fable et une constitution de faits.

XV. Il en est de même[3] dans les arts du dessin ;

  1. C’est peut-être pour cela qu’il ne nous reste pas une seule tragédie du temps d’Aristote.
  2. Font des pièces d’où les mœurs sont absentes.
  3. Cette phrase, dans les manuscrits, ne vient qu’après le § 18. La transposition, due à Castelvetro, est plausible, mais non indispensable.