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VI. Maintenant, comme l’imitation a pour objet une action et qu’une action a pour auteurs des gens qui agissent, lesquels ont nécessairement telle ou telle qualité, quant au caractère moral et quant à la pensée (car c’est ce qui nous fait dire que les actions ont tel ou tel caractère), il s’ensuit naturellement que deux causes déterminent les actions, savoir : le caractère moral et la pensée ; et c’est d’après ces actions que tout le monde atteint le but proposé, ou ne l’atteint pas.

VII. Or l’imitation d’une action, c’est une fable[1] ; j’entends ici par « fable » la composition des faits, et par « caractères moraux » (ou mœurs) ceux qui nous font dire que ceux qui agissent ont telle ou telle qualité ; par « pensée », tout ce qui, dans les paroles qu’on prononce, sert à faire une démonstration ou à exprimer une opinion.

VIII. Il s’ensuit donc, nécessairement, que toute tragédie se compose de six parties qui déterminent son caractère ; ce sont : la fable, les mœurs, le langage, la pensée, l’appareil scénique et la mélopée.

IX. Deux de ces parties concernent les moyens que l’on a d’imiter ; une, la manière dont on imite ; trois, les objets de l’imitation ; puis c’est tout.

X. Un grand nombre d’entre eux[2] ont employé ces formes ; et, en effet, tout (poème tragique) comporte en soi de la même façon un appareil scénique, un caractère moral, une fable, un langage, un chant et une pensée.

XI. Le point le plus important, c’est la constitution des faits, car la tragédie est une imitation non des

  1. Μῦθος, histoire imaginaire ou légendaire.
  2. Les poètes tragiques.