Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/388

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lorsqu’ils ont été goûtés par l’auditoire. Car, de même que l’esprit n’admet pas (comme innocent) un homme contre lequel se sont élevées des préventions, il n’admet pas davantage (comme plausible) un discours, si l’adversaire lui a semblé avoir parlé dans le bon sens. Il faut donc préparer une place dans l’esprit de l’auditeur pour le discours que l’on va prononcer. C’est ce qui arrivera si tu détruis (les arguments du préopinant). Voilà pourquoi ce n’est qu’après avoir combattu ou bien tous les points traité, ou les plus importants, ou ceux que l’auditoire a paru admettre, ou enfin ceux dont la réfutation est facile, que l’on abordera, de la façon que j’ai dit, les arguments plausibles qui nous sont propres.

Je me porterai d’abord comme champion des déesses ;br/> Car, pour moi, Junon…[1].

Dans ces vers, le poète touche d’abord le point le plus simple. Voilà pour les preuves.

XVI. Quant aux mœurs, comme le fait de donner quelques détails sur sa propre personne nous expose à l’envie, à l’accusation de prolixité ou à la contradiction, et celui de parler d’un autre au reproche d’outrage ou de grossièreté, il faut faire parler une autre personne, comme Isocrate le fait dans le Philippe[2] et dans l’Antidosis[3]. De même Archiloque, pour blâmer. Il met en scène un père qui parle ainsi au sujet de sa fille, dans cet ïambe :

Avec de l’argent, il ne faut désespérer de rien, ni affirmer par serment l’impossibilité de quoi que ce soit.
  1. Euripide, Troyennes, vers 969 ; alias 979.
  2. § 73.78 ou plutôt § 4-7. (Spengel.)
  3. § 141-149 ; § 132- 139. (Voir, dans Spengel, plusieurs entres exemples de cet artifice oratoire.