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lution; mais, si ce n’était pas de mon intérêt, du moins, c’était préférable. » En effet, le premier parti est d’un homme avisé, et l’autre, celui d’un homme de bien. S’il est d’un homme avisé de poursuivre un but utile, il est d’un homme de bien de se déterminer d’après le beau. Si le fait est incroyable, il faut s’étendre sur les motifs. C’est ce que fait Sophocle. Citons ce passage de l’Antigone (où elle dit) qu’elle a plus de sollicitude pour son frère que pour un mari ou des enfants, alléguant que ceux-ci, ayant péri, pourraient être remplacés ;

Tandis que, son père et sa mère étant descendus chez Pluton, il ne pourrait plus lui renaître[1] un frère.

Si tu n’as pas de motif à faire valoir, tu allégueras que tu n’ignores pas que tes assertions sont incroyables, mais que ta nature est ainsi faite. En effet, on ne croit pas que quelqu’un fasse, de gaieté de cœur, autre chose que ce qui lui est avantageux.

X. De plus, il faut, dans la narration, tirer parti des effets de pathétique, déduire les conséquences, dire des choses connues de l’auditeur, et apporter des arguments qui touchent personnellement l’orateur ou l’adversaire : « Il s’est éloigné en me regardant de travers ; » ou comme Eschine[2], qui dit de Cratyle : « Il se mit à siffler et à battre des mains. » En effet, ce sont là des choses qui apportent la conviction, attendu que ce sont des indices, que l’on connaît, des choses que l’on ne sait pas. On peut retrouver la plupart de ces indices dans Homère.

Elle dit, et la vieille femme tenait son visage dans ses mains[3].
  1. Littéralement « fleurir ». (Sophocle, Antig., vers 911-912)
  2. Probablement, Eschine le Socratique.
  3. Odyssée, XIX, 361.