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CHAPITRE XVI


De la narration.


I. La narration, dans les discours démonstratifs, ne se développe pas tout d’un trait, mais à l’occasion de chaque partie ; car il faut exposer les actes qui servent de texte au discours. En effet, le discours, dans sa composition, renferme un élément indépendant de l’art, attendu que l’orateur n’est en rien la cause des actes, — et un élément tiré de l’art, et cet élément consiste à démontrer ce qui existe, si la chose est difficile à croire, ou à montrer quelle en est la qualité ou la quantité, ou tout cela ensemble.

II. Voici pourquoi, dans certains cas, il ne faut point raconter tout d’un trait : c’est que, à démontrer de cette façon, on chargerait trop la mémoire. D’après tels faits, l’homme dont on parle est brave ; d’après tels autres, il est habile, ou juste, et le discours, ainsi conduit, est plus simple ; mais, conduit de l’autre manière, il est varié et alourdi.

III. Il faut rappeler les (actions) célèbres ; aussi beaucoup de discours peuvent se passer de narration : par exemple, si tu veux louer Achille ; car tout le monde connaît ses actions. Mais (en d’autres cas) on doit y recourir. S’il s’agit de Critias, il le faut ; car bien des gens ne le connaissent pas[1].

IV. Il est ridicule de dire, comme quelques-uns le font aujourd’hui, que la narration doit être rapide.

  1. Dans le manuscrit de Paris (1741), on a reproduit ici le passage relatif à l’éloge, l. I, ch, IX, §§ 33 - 37 (p. 1367 b 26 - 1368 a, 10).