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VIII. Un autre encore, c’est lorsqu’il y a eu jugement ; Euripide l’employa alors qu’il répondit à Hygiénon qui l’accusait d’iniquité dans le procès d’antidosis[1], comme ayant excité au parjure en écrivant ce vers :

La langue a juré, mais l’esprit est libre de tout serment[2].

Il allégua que celui-ci commettait une injustice en portant devant les tribunaux les décisions du concours dionysiaque[3] ; que, dans ce concours, il avait déjà rendu compte (de ce vers) et qu’il en rendrait compte encore si l’on voulait porter l’accusation sur ce point.

IX. Un autre moyen, c’est de prendre à partie l’imputation calomnieuse en montrant combien elle est grave, en alléguant qu’elle déplace les questions, qu’elle ne se fie pas au fait[4]. Un lieu communément utile aux deux (parties) consiste à produire des conjectures. Ainsi, dans le Teucer, Ulysse suppose que Teucer est apparenté à Priam, car Hésione[5] était la sœur (de ce dernier). Teucer répond à cela que Télamon, son père,

  1. Antidosis, échange de biens entre deux citoyens dont le plus fortuné devait prendre à sa charge les frais de liturgie imposés à l’autre. (Voir, dans le Dictionnaire des antiquités gr. et rom., de Saglio, l’article Antidosis, par E. Caillemer.)
  2. Hippolyte (tragédie jouée en 428), vers 612.
  3. On voit qu’Euripide invoque ici l’axiome de droit : Non bis in idem, éloquemment développé avant lui par l’orateur Andocide (IV, 8), comme l’a remarqué Spengel.
  4. Littéralement : « elle produit des jugements autres (que ceux qui se rapporteraient à un fait précis) ; elle ne compte pas sur un fait réel pour porter une accusation.. (Voir, sur la διαβολή, plusieurs citations d’orateurs attiques réunies par Spengel.)
  5. Fille de Laomédon, roi de Troie, devenue la troisième femme de Télamon. Explication conjecturale : Résidant à Troie pendant la guerre, Télamon n’a pas dénoncé les espions que les Grecs introduisaient dans la ville. — Teucer, pièce d’un poète inconnu, peut-être Sophocle, qui avait composé un Teucer (Scol. d’Aristoph., Nubes v. 583),