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avoir de sel. Tel encore cet autre jeu de mots : « Veux-tu le perdre[1] ? »

VII. Il faut que les deux applications du mot sur lequel on joue offrent un sens convenable ; c’est alors (seulement) qu’elles sont piquantes ; comme par exemple de dire : « L’empire (ἀρχή) de la mer n’est pas pour les Athéniens une source (ἀρχή) de malheurs ; car ils en profitent, » ou, comme Isocrate : « L’empire (de la mer) est pour les Athéniens une source de malheurs[2]. » Dans les deux expressions, on a dit une chose que l’auditeur ne présumait pas qu’on allait dire et qu’il a reconnue pour vraie. Et en effet, dire que l’empire est un empire, ne serait pas fort habile ; mais il ne parle pas de cette façon et le mot ἀρχή ne garde pas sa première signification, en reçoit une autre.

VIII. Dans tous les cas analogues, si le mot est amené convenablement par (homonymie, ou par la métaphore, alors, tout va bien. Exemple :

« Anaschétos n’est pas ἀνάσχετος (supportable). »

Cette phrase renferme une homonymie, mais elle est convenable si l’individu est désagréable.

Autre exemple :

Tu ne serais pas un hôte plutôt que tu ne dois être un étranger.

Ou bien : « pas plus que tu ne dois l’être, » Car le mot garde le même sens, et dans : « Il ne faut pas que l’hôte soit indéfiniment un étranger, » le mot ξένος est pris (successivement) dans un sens différent[3].

  1. Βούλει αὐτὸν πέρσαι. On entrevoit ici un jeu de mots sur πέρσαι qui signifie avoir perdu et les Perses.
  2. Discours à Philippe, § 61 ; Panégyrique, § 119 ; Sur la Paix, § 101.
  3. Ξένος signifie hôte et étranger.