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de la métaphore par analogie, et le rapport du rocher à Sisyphe est celui de l’être sans honte à celui sur qui l’on agit sans honte.

IV. Il en fait autant, dans des images d’un heureux effet, avec les êtres inanimés :

Les (vagues) se soulèvent en courbes blanchissantes ; les unes s’avancent et d’autres arrivent par-dessus[1]

On le voit, il donne à toutes choses le mouvement et la vie ; or l’action est (ici) une imitation.

V. Il faut, quand on emploie la métaphore, comme on l’a dit précédemment[2], la tirer d’objets propres (au sujet), mais non pas trop évidents. En philosophie, par exemple, tu dois viser à considérer le semblable dans tels objets qui ont entre eux une grande différence. C’est ainsi qu’Archytas a dit : « Un arbitre et un autel sont la même chose, car vers l’un comme vers l’autre se réfugie l’homme qui a subi une injustice. » Ou, comme si l’on disait qu’une ancre est la même chose qu’une crémaillère, car toutes deux font une même chose, seulement elles différent en ce que l’une la fait par en haut, et l’autre par en bas ; — ou encore : « Les (deux) villes ont été mises au même niveau[3]. » Un trait commun à deux choses très différentes, la surface et les ressources, c’est l’égalité.

VI. La plupart des propos piquants dus à la métaphore se tirent aussi de l’illusion où l’on jette l’auditeur. En effet, on est plus frappé d’apprendre une chose d’une façon contraire (à celle que l’on attendait) et l’âme semble se dire : « Comme c’est vrai ! c’est moi

  1. Iliade, XIII, 799.
  2. Ch. X, § 6.
  3. Souvenir d’Isocrate (Discours à Philippe, § 40) : οῑδα γὰρ ἁπάσας ὡμαλιυμένας ὑπὸ τῶν συμφορῶν, car je sais que le malheur les a mises toutes au même niveau.