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avoir l’air de dire quelque chose. C’est le cas de ceux qui s’expriment en langage poétique : Empédocle, par exemple ; car une grande circonlocution donne le change et les auditeurs sont dans la situation de beaucoup de gens qui vont trouver les devins. Lorsque ceux-ci prononcent des oracles ambigus, on accepte leur avis :

« Crésus, passant l’Halys, détruira une grande puissance. »

C’est précisément pour s’exposer à une erreur moins grave que les devins énoncent les choses d’après les genres. On trouve mieux, lorsqu’on joue à pair ou non, en disant simplement pair ou impair qu’en disant un nombre, et en disant que telle chose sera qu’en disant dans quel temps. Voilà pourquoi les diseurs d’oracles n’ajoutent pas, dans leur réponse, la détermination du temps. Toutes ces choses-là se ressemblent ; aussi, à moins de quelque motif particulier pris dans cet ordre, il faut les éviter.

V. La quatrième distingue, comme l’a fait Protagoras, les genres des noms masculins, féminins et neutres[1] ; car il faut exprimer ces genres correctement : « Elle est venue, et, après avoir causé, elle est partie. »

VI. La cinquième consiste à nommer correctement ce qui est en grand nombre, en petit nombre et à l’état d’unité : « Ces gens, dès qu’ils furent arrivés, se mirent à me frapper… » Il faut d’une manière absolue bien lire ce qui est écrit, et bien le prononcer, ce qui revient au même. C’est là une chose que la multiplicité des conjonctions rend difficile, ainsi que les phrases qu’il n’est pas aisé de ponctuer, comme celles d’Héraclite[2] ; car la ponctuation, dans Héraclite, est

  1. Σκεύη, les objets.
  2. L’obscurité du style d’Héraclite était passée en proverbe.