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des signes ; comme enfin le vraisemblable est ce qui a lieu, non pas toujours, mais d’ordinaire, il s’ensuit évidemment qu’on résoudra toujours des enthymèmes de cette nature en apportant une objection.

IX. La solution peut n’être qu’apparente et elle n’est pas toujours réelle, car ce n’est pas en objectant qu’il n y a pas vraisemblance que l’on résout un argument, mais en objectant qu’il n’y a pas conséquence nécessaire.

X. C’est ce qui fait que, par l’emploi de ce paralogisme, celui qui défend a toujours l’avantage sur celui qui accuse. En effet, comme l’accusateur démontre toujours au moyen des vraisemblances, et que la solution n’est pas la même, suivant que l’on allègue qu’il n’y a pas vraisemblance, on qu’il n’y a pas conséquence nécessaire ; comme d’autre part l’objection porte toujours sur ce qui a lieu d’ordinaire (autrement ce ne serait pas le vraisemblable, mais ce qui arrive toujours et nécessairement), et que le juge, si la solution est présentée ainsi, estime ou bien qu’il n’y a pas vraisemblance, ou bien qu’il ne lui appartient pas de prononcer un jugement sur ce en quoi il fait un paralogisme, ainsi qu’on vient de le dire ; car ce n’est pas seulement d’après les conséquences nécessaires qu’il doit juger, mais encore d’après la vraisemblance ; et c’est là ce qu’on appelle juger selon sa conscience[1] ; il résulte de tout cela qu’il ne suffit pas de présenter une solution fondée sur ce qu’il n’y a pas conséquence nécessaire, mais qu’il faut résoudre en alléguant qu’il n’y a pas vraisemblance ; or, c’est ce qui aura lieu si l’objection vise de préférence ce qui arrive d’ordinaire.

XI. L’objection peut se produire de deux manières : ou bien par la considération du temps, ou par celle des faits, et les principales font valoir l’une et l’autre

  1. Cp. ci-dessus, chap. IV, § 5, note.