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l’on ne citerait pas « l’amour caunien[1] », s’il n’y avait pas des amours mauvais.

V. On tire une objection du contraire. Exemple s’il y a un enthymème comme quoi l’homme de bien rend service à tous ses amis, ce n’est pas à dire que le méchant fait du mal aux siens.

VI. Lorsqu’il s’agit des semblables, s’il y a un enthymème comme quoi ceux à qui l’on fait du mal ont toujours du ressentiment, l’objection sera : ce n’est pas à dire que ceux à qui l’on fait du bien ont toujours de l’amitié.

VII. Les jugements sont empruntés aux hommes célèbres. Exemple : si un enthymème dit qu’il faut avoir de l’indulgence pour les gens ivres, attendu qu’ils pèchent par ignorance, l’objection dira : Pittacus n’est donc pas louable, car il a édicté des peines plus graves pour les délits commis en cas d’ivresse.

VIII. Comme les enthymèmes se tirent de quatre choses, qui sont le vraisemblable, l’exemple, la preuve matérielle et le signe ; comme d’ailleurs, parmi les enthymèmes, ceux qui ont pour fondement ce qui a lieu, ou ce qui semble avoir lieu d’ordinaire, tirent leur conclusion des choses vraisemblables, et que d’autres l’obtiennent par l’induction du semblable, ou de l’unité, ou de la pluralité, lorsque, après avoir considéré le point de vue général, on argumente ensuite sur des particularités, au moyen de l’exemple ; d’autres l’obtiennent par la considération du fait nécessaire et existant, au moyen du signe matériel ; d’autres par celle du fait existant en général ou en particulier, soit que réellement il existe ou n’existe pas, au moyen

  1. Celui de Byblis, femme originaire de Bubasos, en Carie, pour son frère jumeau Caunus. Cp. Ovide, Métamorph., IX, 453.