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une œuvre de dieu, on croit nécessairement qu’il existe des dieux[1]. » Autre exemple : Iphicrate disait que « l’homme le meilleur est aussi le plus noble », donnant pour raison qu’Harmodius et Aristogiton n’avaient rien de noble en eux avant d’avoir accompli une noble action, et qu’il était de leur famille, « attendu, ajoutait-il, que mes actes sont, plus que les tiens, de la même nature que ceux d’Harmodios et d’Aristogiton. » Autre exemple, pris dans l’Alexandre[2] : « Tout le monde s’accorde à dire que ceux-là sont intempérants qui ne recherchent pas la possession d’une seule personne[3] ». Tel était aussi le motif allégué par Socrate pour ne pas aller chez Archélaüs[4] : « Il y a quelque chose de blessant, disait-il, à ne pas pouvoir répondre à un procédé quand il est bon, aussi bien que lorsqu’il est mauvais. »

On voit qu’en effet tous ces personnages sont partis d’une définition et considèrent la nature de la chose définie pour raisonner sur le sujet dont ils parlent.

IX. Un autre lieu se tire du nombre de manières dont une chose peut être entendue. Il y en a des exemples dans les Topiques au sujet du mot ὀρθῶς (correctement)[5]

  1. Le raisonnement complet serait celui-ci : La croyance de Socrate à son démon ou génie n’exclut pas la croyance aux dieux, car le démon n’est rien autre, etc. Cp. Platon, Apologie de Socrate, § 15, et Aristote, Topiques, XI, 6, 2, éd. Buhle.
  2. Titre d’une apologie de Pâris, anonyme et perdue,
  3. Le raisonnement est celui-ci : Par contre, ceux-là sont tempérants qui s’en tiennent à un seul amour ; or Pâris n’aima qu’Hélène donc il était tempérant.
  4. Roi de Macédoine. Les poètes Euripide et Agathon n’eurent pas les scrupules de Socrate (Elien, Hist. var., ii, 21). Cp. Plut., d’après Stobée Florileg., XCVII, 28, où Socrate donne un autre motif à son refus. Voir aussi Bentley, Opusc. plilolog., p. 62.
  5. Cp. Topiques, II, 3, 9, éd. Buhle, où il est traité non pas du mot ὀρθός, mais de καλόν. Peut-être faudrait-il traduire : « au sujet de l’acception correcte (des mots) ». Voir aussi plus haut, liv. I, XIII, 10, sur les diverses acceptions de δικαίως.