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entraîné dans une crevasse du rivage. Ne pouvant en sortir, il se tourmenta longtemps et une multitude de mouches, de chiens ou tiquets, s’acharnèrent après lui. Un hérisson, errant par là, l’aperçut et lui demanda avec compassion s’il voulait qu’il lui ôtât ces mouches. Il refusa ; le hérisson lui ayant demandé pourquoi : « C’est que celles-ci, dit-il, sont déjà gorgées de mon sang et ne m’en tirent plus qu’une petite quantité mais, si tu me les ôtes, d’autres mouches, survenant affamées, suceront ce qu’il me reste de sang. » Eh bien ! donc, dit Ésope, celui-ci, Samiens, ne vous fait plus de mal, car il est riche ; tandis que, si vous le faites mourir, d’autres viendront, encore pauvres, dont les rapines dévoreront la fortune publique.»

VII. Les récits sont de mise dans les harangues ; ils ont ce bon côté que, trouver des faits analogues à puiser dans le passé est chose difficile, tandis qu’inventer des histoires est chose facile ; car il faut les imaginer, comme aussi les paraboles, en veillant à ce que l’on puisse saisir l’analogie, ce qui est facile avec le secours de la philosophie.

VIII. Ainsi les arguments sont plus aisés à se procurer que l’on emprunte aux apologues ; mais ils sont plus utiles à l’objet de la délibération quand on les emprunte aux faits historiques ; car les faits futurs ont, le plus souvent, leurs analogues dans le passé.

IX. Il faut recourir aux exemples, soit que l’on n’ait pas d’enthymèmes à sa disposition — et alors c’est à titre d’arguments démonstratifs, car la preuve s’établit par leur moyen, — soit que l’on en ait, et c’est à titre de témoignages appliqués comme des épilogues (péroraisons) s’ajoutant aux enthymèmes. Les exemples placés en tête d’un discours ressemblent à une induction ; or l’induction n’est pas un procédé familier aux