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font plaisir et dans quel état d’esprit ils se trouvent. En effet, s’ils s’affligent de ne pas être dans telle condition donnée, ils se réjouiront d’être mis dans cette condition par des motifs contraires. Par conséquent, si l’auditoire est dans cette disposition d’esprit et que ceux qui prétendent inspirer la pitié et obtenir ce qu’ils demandent soient des gens tels que nous l’avons expliqué, il est manifeste qu’ils ne réussiront pas à exciter la pitié de ceux qui disposent de leur sort.


CHAPITRE XI


De l’émulation.


I. Dans quel état d’esprit a-t-on de l’émulation ; quels en sont les sujets et les motifs, c’est ce que rendra évident ce qui va suivre. En effet, si l’émulation est la peine que nous fait éprouver l’existence constatée de biens honorables dont l’acquisition pour nous est admissible, et obtenus par des gens dont la condition naturelle est semblable à la nôtre, peine causée non pas parce qu’un autre les obtient, mais parce que nous ne les obtenons pas nous-mêmes (aussi l’émulation est-elle un sentiment honnête et se rencontre-t-elle chez des gens honnêtes, tandis que celui de l’envie est vil et particulier aux âmes viles ; car le premier s’applique, par émulation, à obtenir les biens qu’il recherche et l’autre, par envie, à empêcher le prochain de les avoir), il résulte nécessairement de là que les personnes portées à l’émulation sont celles qui se jugent dignes de biens qu’elles n’ont pas, car