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Au nombre des commentateurs de la Rhétorique, on serait tenté de placer, et dans un bon rang, l’orateur romain par excellence, Cicéron ; mais il s’en faut de beaucoup que l’on puisse adopter cette opinion après avoir lu le chapitre très complet où Ch. Thurot a examiné la question. (Étude, appendice 13.) Ce savant a cherché à démontrer que Cicéron avait directement peu pratiqué les ouvrages oratoires d’Aristote. « Il n’est pas surprenant, dit-il en terminant, qu’un homme absorbé comme Cicéron par les affaires publiques et par les intérêts d’une clientèle nombreuse ait peu pratiqué des ouvrages difficiles, presque ignorés même des philosophes de profession, parvenus dans des manuscrits très fautifs. On ne saurait pourtant dissimuler qu’il ait voulu avoir l’air de les connaître. Dans le De Oratore, il dit qu’il a lu la Rhétorique d’Aristote, etc. » (P. 275.)

Quant à Quintilien, qui, souvent, suit pas à pas Aristote, il ne faut pas lui demander la profondeur et l’élévation de son modèle. M. Havet en fait la remarque : « La méthode de Quintilien ne diffère pas de celle des rhéteurs que Cicéron a suivis ; elle se réduit également à une classification sèche et pauvre. Une seule chose la distingue, c’est que l’auteur écrit dans un temps où il n’y a plus de délibération publique, du moins sur les grands sujets. Il ne traite donc du genre délibératif que pour remplir le cadre accoutumé des Rhétoriques. Et il a soin d’avertir que ses préceptes ne s’appliqueront pas tant aux discours sérieux qu’à ces déclamations des écoles dans lesquelles il était permis encore de parler à peu près librement aux tyrans des temps passés. » (Étude, etc., p. 87.) Du reste, l’auteur des lignes précédentes place à côté de ce jugement une appréciation des grandes qualités de l’Institution oratoire. Et il ajoute : « En mettant Aristote bien au-dessus de Cicéron et de Quintilien, je n’ai jugé ni Cicéron, ni même Quintilien tout entier. »

La chaîne des commentateurs de la Rhétorique, interrompue durant plusieurs siècles, fut renouée au commencement du XVIIe par un professeur hellène, Théophile Corydalleus, d’Athènes, dont Fabricius a tiré des manuscrits et traduit en latin un remarquable exposé de cet ouvrage et de la Rhétorique à Alexandre. (Bibliotheca græca,