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LA RHÉTORIQUE

seraient le contraire de leurs actes, et pour ceux qui se comporteraient de la même façon envers eux-mêmes qu’envers nous ; car personne ne semble disposé à se déprécier.

V. À l’égard de ceux qui reconnaissent leurs torts et qui s’en repentent ; car, subissant comme une punition le chagrin que leur cause l’action commise, ils font tomber la colère. Cela se remarque dans le cas des châtiments infligés aux serviteurs : nous punissons d’autant plus ceux qui refusent d’avouer leurs torts et opposent des dénégations ; mais, contre ceux qui conviennent que l’on a raison de les punir, nous ne gardons pas de ressentiment. Cela tient à ce que c’est de l’impudence que de refuser de reconnaître un tort manifeste ; or l’impudence est une sorte de mépris et de défi, car[1] nous ne respectons pas ce qui nous inspire un profond mépris.

VI. De, même à l’égard de ceux qui s’humilient devant nous et qui ne nous contredisent point, car ils font voir qu’ils se reconnaissent nos inférieurs ; or les inférieurs craignent leurs supérieurs, et quiconque éprouve de la crainte ne songe pas à mépriser. La preuve qu’une attitude humble fait tomber la colère, c’est que les chiens ne mordent pas ceux qui sont assis.

VII. À l’égard de ceux qui agissent sérieusement avec nous lorsque nous-mêmes sommes sérieux, car ils semblent, dans ce cas, nous prendre au sérieux, et non pas nous mépriser.

VIII. À l’égard de ceux qui nous ont rendu de plus grands services[2] ; de ceux qui ont besoin de nous et

  1. On voit que nous lisons γὰρ au lieu de γοῦν.
  2. Qu’ils n’en ont reçu de nous (note de l’édition de Meredith Cope).