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LA RHÉTORIQUE

comme on trouve un charme d’autant plus vif dans ce qui surpasse l’attente, si l’événement est conforme à la volonté. C’est pourquoi on peut voir clairement, d’après ces explications, les moments, les circonstances, les dispositions et les âges qui portent à la colère, et quand et dans quelles conditions de lieu cette passion se manifeste ; on voit aussi que, plus on est livré à ces influences, plus on se laisse emporter.

XII. On se fâche contre ceux qui raillent, qui plaisantent, qui ridiculisent, car ils outragent. Contre ceux dont la façon de nuire comporte des indices outrageants. Tels sont les procédés dont le mobile n’est pas une rémunération, ni un profit pour leur auteur ; car, dès lors, ce mobile ne peut être que l’intention d’outrager.

XIII. De même contre ceux qui nuisent en paroles et manifestent du dédain sur les questions auxquelles on attache la plus sérieuse importance. Tels, par exemple, ceux qui ont des prétentions en philosophie, si l’on attaque la philosophie ; ceux qui en ont à la beauté (ἰδέα), si l’on conteste leur beauté, et ainsi du reste.

XIV. Leur irritation n’en est que plus vive s’ils soupçonnent eux-mêmes que ces prétentions ne sont aucunement fondées, ou ne le sont guère, ou, du moins, qu’elles semblent ne pas l’être, tandis que, s’ils se croient amplement pourvus de ce qu’on leur conteste d’une façon railleuse, ils n’en prennent pas souci.

XV. On se fâche plutôt contre des amis que contre des indifférents ; car on pense qu’il y a plutôt lieu d’en recevoir du bien que de n’en pas recevoir.

XVI. De même contre ceux qui, d’ordinaire, nous honorent et nous recherchent, si un revirement fait qu’ils ne nous recherchent plus autant ; et en effet,