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LA RHÉTORIQUE

quoi les jeunes gens et les gens riches sont portés à l’insolence. Ils pensent que leurs insultes leur procurent une supériorité. À l’outrage se rattache le fait de déshonorer, car celui qui déshonore méprise, et ce qui est sans aucune valeur ne se prête d’aucune estimation, ni bonne, ni mauvaise. De là cette parole d’Achille en courroux :

Il m’a déshonoré, car, pour l’avoir prise (Briséis), il a l’honneur qu’il m’a ravi[1] ;

Et cette autre :

Comme un vil proscrit[2]

Ces expressions excitent sa colère.

VII. On pense devoir être honoré : de ceux qui sont inférieurs en naissance, en pouvoir, en mérite, et généralement par les côtés où on leur est de beaucoup supérieur. Par exemple : l’argent donne au riche l’avantage sur le pauvre ; l’élocution à l’orateur sur l’homme incapable de discourir ; celui qui commande est supérieur à celui qui est commandé, et celui que l’on juge digne du commandement à celui qui est bon pour le recevoir. De là cette pensée :

Il est grand le ressentiment des rois, fils de Jupiter[3] ;

Et cette autre :

Mais aussi il refoule sa haine jusqu’à ce qu’il ait accompli (sa vengeance)[4].

Et en effet, l’indignation est causée par le sentiment de la supériorité.

  1. Hom., Il., I, 356 et 507,
  2. Hom., Il., IX, 644, et XVI, 59.
  3. Hom., Il., ii, 196.
  4. Hom., Il., i, 820.