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XIII. L’équitable, c’est le juste, pris indépendamment de la loi écrite. Or ce caractère se manifeste tantôt avec, tantôt sans le consentement des législateurs : sans leur consentement, lorsque le cas leur a échappé ; avec, lorsqu’ils ne peuvent déterminer l’espèce, étant forcés de généraliser ou ; du moins, de beaucoup étendre les applications possibles ; ou encore quand il s’agit de choses que, faute de précédents, il est difficile de déterminer avec précision, comme, par exemple, étant donné le cas de blessures faites avec un instrument en fer, de déterminer les dimensions et la nature de cet instrument ; car la vie ne suffirait pas à cette énumération.

XIV. Si donc le cas est resté indéterminé et qu’il soit nécessaire d’établir une loi, il faut s’exprimer en termes généraux. Ainsi, qu’il s’agisse d’un individu qui, portant un anneau, lève la main sur quelqu’un ou se met à le frapper ; cet individu est justiciable de la loi écrite et commet une injustice, et pourtant, en réalité, il n’en commet pas, et cet acte est conforme à l’équité.

XV. Or, si l’équité est ce que nous avons dit, on voit de quelle nature seront les choses équitables et celles qui ne le sont pas, et quel sera le caractère de l’homme non équitable. En effet seront équitables les actes qui portent en eux-mêmes leur excuse.

XVI. Il ne faut pas juger avec la même sévérité une faute et une injustice, non plus qu’une faute et un accident. Or les accidents sont les actes que l’on accomplit sans réflexion et sans intention mauvaise ; la faute, c’est tout ce qui, sans être un acte irréfléchi, n’est pas, non plus, le résultat d’une méchanceté ; l’injustice, c’est ce qui, tout ensemble, n’est pas irréfléchi et part d’une pensée méchante. En effet, les injustices inspi-