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de la part de plusieurs personnes sans les attaquer; en effet, ce sont eux qui sont, comme dit le proverbe : « la proie des Mysiens[1] ».

XXI. De même ceux à qui l’on n’a jamais fait tort, et ceux à qui l’on a fait tort fréquemment ; car les uns et les autres ne songent pas à se tenir en garde : les premiers, parce qu’ils n’ont jamais été victimes, les seconds, parce qu’ils croient ne plus pouvoir l’être.

XXII. Ceux qui ont été poursuivis par la médisance et ceux qui peuvent y être exposés. Car, lorsqu’on est dans ce cas, on ne tente pas de convaincre des juges que l’on redoute, et l’on ne peut songer à se justifier devant des gens qui vous haïssent, ou vous portent envie.

XXIII. De même ceux contre lesquels nous avons à prétexter que leurs ancêtres, ou eux-mêmes, ou leurs amis, ont fait du mal ou se disposent à en faire soit à nous-mêmes, soit à nos ancêtres, soit encore à ceux qui nous intéressent. En effet, comme dit le proverbe : « La méchanceté ne demande qu’un prétexte. »

XXIV. On cause un préjudice à ses ennemis et aussi à ses amis : à ceux-ci, parce que c’est chose facile ; à ceux-là, parce que c’est un plaisir. De même à ceux qui n’ont pas d’amis, à ceux qui manquent d’habileté pour parler ou pour agir ; car tantôt ils ne s’engagent pas dans une attaque en justice, tantôt ils acceptent une transaction, ou enfin ne vont pas jusqu’au bout dans leur attaque.

XXV. De même encore ceux qui ont plus à perdre qu’à gagner en consumant leur temps à attendre un jugement ou l’acquittement d’une indemnité, comme, par exemple, les étrangers, ou ceux qui travaillent de

  1. Les Mysiens avaient la réputation d’être faibles et méprisables. Nous disons de même : « Un enfant lui ferait peur. »