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geai va auprès du geai, » et ainsi de tant d’autres analogues.

XXVI. Mais, comme les êtres congénères et semblables se plaisent entre eux et que chacun d’eux éprouve cette affection principalement vis-à-vis de soi-même, il s’ensuit nécessairement que tout le monde a plus ou moins l’amour de soi, car ces conditions (cette affinité et cette similitude) subsistent surtout par rapport à soi-même ; et, comme tout le monde a l’amour de soi, il s’ensuit nécessairement aussi que tout ce qui nous appartient en propre nous est toujours agréable, comme, par exemple, nos actes, nos paroles. C’est pourquoi nous aimons généralement nos flatteurs, nos favoris[1], les hommages qui nous sont rendus[2], nos enfants ; car nos enfants sont notre couvre. Il est encore agréable de compléter une opération inachevée, car cette opération, dès lors, devient nôtre.

XXVII. Comme le fait de commander est chose des plus agréables, il l’est aussi de paraître sensé, car le bon sens nous met en passe de commander, et la sagesse implique la connaissance de beaucoup de choses et de choses qui excitent l’admiration. De plus, comme on aime généralement les honneurs, il s’ensuit nécessairement aussi que l’on se plaît à reprendre ceux qui nous approchent et à leur commander.

XXVIII. Il est encore agréable de se livrer à des occupations où l’on croit se surpasser soi-même. De là ces vers du poète[3] :

  1. Le mot grec est plus énergique.
  2. La suite du raisonnement demanderait φιλόφιλοι, à le place de φιλότιμοι, « nous aimons… nos amis. »
  3. Leçon du plus ancien manuscrit connu (Cod. paris., 1741). Les autres remplacent ὁ ποιητής par ὁ Εύριπίδης. Ces vers sont, en effet, tirés de l’Antiope d’Euripide. Voir Spengel.