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avons un désir passionné ; car le désir passionné est une aspiration vers l’agréable. Parmi ces désirs, les uns sont dépourvus de raison, les autres sont accompagnés de raison. J’appelle « désirs dépourvus de raison » tous ceux que l’on éprouve ; indépendamment d’un motif réfléchi. Sont de cette sorte tous ceux que l’on dit naturels, comme ceux qui dépendent du corps : par exemple, celui de la nourriture, la soif, la faim et les désirs relatifs à telle ou telle espèce de nourriture ; ceux que provoque le goût, les désirs aphrodisiaques ; tous ceux, en général, qui concernent le toucher, les parfums par rapport à l’odorat ; ceux qui concernent l’oreille, les yeux. Les désirs accompagnés de raison, ce sont tous ceux que l’on éprouve après avoir été persuadé. Il y a beaucoup de choses que l’on désire voir et posséder après que l’on en a entendu parler et que l’on a été amené à les désirer.

VI. Mais, comme le plaisir consiste dans la sensation d’une impression et que l’imagination est une sensation faible, lors même qu’un fait d’imagination est la conséquence d’un souvenir ou d’une espérance pour celui qui se souvient ou qui espère ; s’il en est ainsi, on voit que des plaisirs affectent ceux qui se souviennent ou qui espèrent avec une certaine vivacité, puisque, là aussi, il y a sensation.

VII. Il arrive donc nécessairement que toutes les choses agréables consistent soit dans la sensation des choses présentes, soit dans le souvenir de celles qui sont passées, soit enfin dans l’espérance des choses futures ; car on sent les choses présentes, on se souvient de celles qui sont passées et l’on espère celles qui sont à venir.

VIII. Parmi les faits dont on se souvient, ceux-là sont agréables non seulement qui étaient agréables