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On ne doit pas oublier que la rhétorique cherche à persuader, c’est-à-dire raisonne avec des vraisemblances et des opinions, tandis que la science démontre, c’est-à-dire raisonne avec des vérités évidentes par elles-mêmes et avec leurs conséquences nécessaires… En énumérant les propositions relatives à ce qui est avantageux, honorable ou juste, Aristote répète qu’il n’appartient pas à la rhétorique de traiter ces idées à fond, conformément à la vérité et à la rigueur scientifique… Il a analysé les passions et les caractères sans déterminer métaphysiquement la nature de l’âme, comme Platon le recommandait expressément aux rhéteurs. Pour n’être fondée que sur la vraisemblance, l’éloquence ne lui paraît pas à dédaigner ; le raisonnement oratoire lui paraît légitime et même nécessaire à côté du raisonnement scientifique. » (Études, etc., p. 176-179.) On trouvera dans l’étude de M. Havet un développement analytique très substantiel de la définition donnée par Aristote de ce qu’est ou plutôt de ce que doit être la rhétorique : la rhétorique consiste dans la faculté de découvrir tous les moyens possibles de se faire croire sur tout sujet. Le savant professeur avait touché la question examinée tout à l’heure et marqué la différence de la méthode suivie dans la rhétorique d’Aristote et de celle que pratiquèrent les philosophes procédant de son école. « Avec moins de rigueur et plus de justesse, dit-il, il a compris que si la rhétorique, considérée abstraitement et en idée, n’a pas d’existence à part ; si l’orateur, à le prendre de cette manière, n’a pas une science à lui, il a néanmoins dans la pratique un emploi particulier à faire de la science ; qu’il n’est pas un dialecticien ni un philosophe de profession, mais qu’il emprunte seulement à la philosophie certaines ressources pour venir à bout de certaines difficultés ; enfin que, outre la dialectique et l’éthique absolue, il y a une dialectique de l’orateur, une éthique de l’orateur, et que c’est ce qui doit composer un traité de rhétorique. Cependant de ces deux choses, les rhéteurs n’en étudient qu’une, et c’est la moins importante. Ils font un peu de dialectique, etc. Mais, pour une éthique oratoire un inventaire des observations et des principes que la science morale et politique fournit à l’orateur, et qui sont les vraies sources du raisonnement, c’est ce qu’Aristote seul a