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vie quand on vient à les déchiffrer. Les étiquettes du philosophe marquent chacune des cordes du cœur humain ; touchez celle qu’il vous indique, elle va résonner à l’instant même et répondra à votre appel. » (P. 41.) — « L’idée qu’Aristote donne de la Rhétorique, écrit en concluant le savant académicien, est la plus vraie qu’on s’en puisse faire ; c’est une dialectique du vraisemblable, une dialectique politique. Ainsi le raisonnement en fait le fond, et ce raisonnement repose sur l’intelligence des opinions, des intérêts et des passions humaines. Aucune autre définition n’a fait si bien paraître le fond. » (P. 119.)

Jetons un coup d’œil rapide sur l’état de l’art oratoire avant Aristote. Suivant une observation de Ch. Thurot, il convient lui-même que l’on a moins de peine à perfectionner les méthodes après que les inventeurs et ensuite Tisias, Thrasymaque, Théodore et beaucoup d’autres ont fourni tant d’éléments. Seulement leur enseignement était très imparfait. « Ils procédaient comme celui qui, au lieu de nous apprendre le métier de cordonnier, nous donnerait des chaussures de toute espèce ». (Études sur Aristote, p. 196.) Aristote, au rapport de Cicéron, avait écrit un livre dans lequel il exposait les préceptes oratoires de ses devanciers. (De Oratore, H, 58, 160.) Leonhard Spengel a pour ainsi dire reconstitué le livre dans un mémoire couronné en 1823 par l’université de Berlin et publié en 1828 : « Συναγωγὴ τεχνῶν, sive artium scriptores ab initiis usque ad editos Aristotelis de rhetorica libros, » ouvrage qu’il a fait suivre de quelques textes inédits sur la théorie de l’art. M. Thurot a précisé la différence qui existe entre la rhétorique des philosophes, notamment celle de Platon, la rhétorique des sophistes et celle dont Aristote inaugure l’enseignement : « Entre les rhéteurs qui absorbaient la philosophie dans la rhétorique et les philosophes qui absorbaient la rhétorique dans la philosophie, Aristote a appliqué l’une des maximes fondamentales de sa méthode, qui est de raisonner sur chaque objet conformément aux principes qui sont propres à cet objet. Absorber la rhétorique dans la philosophie ou la philosophie dans la rhétorique, c’est les dénaturer également l’une et l’autre ; la philosophie est une science, la rhétorique une méthode, etc.