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XXXII. Comme ce qui est plus difficile et plus rare a plus de valeur, les circonstances, l’âge, les lieux, les temps, les ressources augmentent l’importance des choses. En effet, si tel fait se produit malgré des obstacles inhérents à nos moyens, à notre âge, à la rivalité de nos semblables, et cela de telle façon, ou dans tel cas ou dans tel temps, ce fait aura la portée des choses honorables, bonnes et justes, ou de leurs contraires. De là cette épigramme[1] sur un athlète vainqueur aux jeux olympiques :

Autrefois, j’avais sur les épaules un grossier bâton de portefaix, et je portais du poisson d’Argos à Tégée.

Iphicrate faisait son propre éloge quand il disait :

« Quels commencements a eus l’état actuel ![2] »

XXXIII. Ce qui vient de notre propre fonds a plus de valeur que ce qui est acquis, vu que c’est plus difficile à obtenir. Aussi le Poète a-t-il pu dire :

J’ai été mon propre maître[3].

XXXIV. Pareillement, la plus grande partie d’une chose qui est grande elle-même. Ainsi Périclès s’exprime en ces termes dans l’Oraison funèbre : « La jeunesse enlevée à la cité, c’est comme le printemps retranché de l’année. »

XXXV. Les choses utiles sont préférables dans un plus grand besoin, comme dans la vieillesse et les maladies ; entre deux choses, la meilleure est celle qui est le plus près de la fin proposée ; la chose utile pour telle

  1. Cette épigramme est rapportée par Eustathe, p. 1761 de son Commentaire sur Homère.
  2. Cette parole d’Iphicrate reparaît plus loin (chap. IX, 31), sous une forme plus complète : ἐξ οἵων εἰς οἷα!
  3. Hom., Od., XXII, 347. C’est Phémius qui parle.