Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/15

Cette page a été validée par deux contributeurs.

passions est « un galimatias qui a été expliqué en tant de manières différentes qu’on peut croire qu’il n’a été entendu de personne ». Notre intention n’est point de rouvrir ce débat. Du reste, l’appréciation du mérite d’Aristote et l’apologie de son œuvre auront leur complément naturel dans ce que nous avons à dire de la Rhétorique.


Si l’on pouvait mettre en doute l’utilité, dans notre temps, d’une étude approfondie de ce traité, il suffirait, pour être détrompé, de relire le travail que M. Ernest Havet consacrait, en 1843, à l’examen de l’ouvrage, travail qu’il reprit en 1846 et dans lequel il s’est proposé, comme il le déclare lui-même, non pas d’étudier les détails de la Rhétorique d’Aristote, mais d’en développer la méthode. « Cette méthode, dit-il, qui n’est plus celle des Rhétoriques postérieures et qui fait l’originalité de celle d’Aristote, fait aussi sa supériorité ; c’est par là qu’elle est, encore aujourd’hui, neuve et féconde. Je ne crains pas de dire que c’est la seule philosophique et, par conséquent, la seule vraie que l’antiquité nous ait transmise. Dans un temps où la rhétorique artificielle semble abandonnée et n’impose plus aux esprits, où l’on demande surtout à l’orateur d’être pressant et fort, où l’on se pique de préférer des raisons à des phrases, le traité d’Aristote doit être le livre classique de tous ceux qui veulent apprendre l’art de persuader par le discours. Je ne dis pas qu’il faille le traduire mot à mot pour nos écoles et l’y faire réciter par cœur : c’est l’esprit qu’il importe de recueillir et non la lecture, qui pourrait rebuter quelquefois. Ce qui est plus praticable et ce qui vaut mieux, c’est de se pénétrer de la philosophie qui est dans ce livre, de s’approprier ces procédés d’une observation délicate et pénétrante, et de les faire passer dans la pratique de l’enseignement et dans le travail habituel de la culture de l’esprit. » (Étude sur la Rhétorique d’Aristote, 2e édition, p. 1.) — Citons encore ces lignes, si vraies et si éloquentes : « Les formules d’Aristote, sous leur enveloppe vieille et desséchée, couvrent des sentiments toujours nouveaux. Ces pages, qui ne semblent contenir qu’une lettre morte, paraissent toutes pleines de