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XIII. Il est donc évident, d’après ce qui précède, qu’une chose peut apparaître comme plus grande de l’une et de l’autre manière. En effet, si telle chose est un principe et que l’autre ne soit pas un principe, la première semblera supérieure ; et si telle chose n’est pas un principe, tandis que l’autre est un principe (elle semblera encore supérieure), car la fin est supérieure et le principe ne l’est pas. C’est ainsi que Léodamas[1], voulant porter une accusation contre Callistrate, dit que celui qui a conseillé une action fait plus de tort que celui qui l’exécute ; car l’action n’eût pas été accomplie si on ne l’avait pas conseillée. Et réciproquement, voulant porter une accusation contre Chabrias, il allègue que celui qui exécute fait plus de tort que celui qui conseille, car l’action n’aurait pas lieu s’il n’y avait pas eu quelqu’un pour agir, vu que l’action est la fin pour laquelle on délibère.

XIV. Ce qui est plus rare est préférable à ce qui est abondant : par exemple, l’or au fer, vu qu’il est d’un usage plus restreint ; car la possession en est préférable, l’acquisition en étant plus difficile. A un autre point de vue, ce qui abonde est préférable à ce qui est rare, parce que l’usage en est plus répandu. De là ce mot :

L’eau est ce qu’il y a de meilleur[2].

XV. Généralement parlant, ce qui est difficile a plus de valeur que ce qui est facile, car c’est plus rare ; et, à un autre point de vue, ce qui est facile vaut mieux que ce qui est difficile, car nous en disposons comme nous voulons.

  1. Orateur athénien, disciple d’Isocrate et maître d’Eschine. — Xénophon parle de Callistrate (Hellen., liv. VI).
  2. Pindare, Pyth., I, 1.