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nous-mêmes. Nous avons donc, en fait de preuves, à tirer parti des premières et à trouver les secondes.

III. Les preuves inhérentes au discours sont de trois sortes : les unes résident dans le caractère moral de l’orateur ; d’autres dans la disposition de l’auditoire ; d’autres enfin dans le discours lui-même, lorsqu’il est démonstratif, ou qu’il paraît l’être.

IV. C’est le caractère moral (de l’orateur) qui amène la persuasion, quand le discours est tourné de telle façon que l’orateur inspire la confiance. Nous nous en rapportons plus volontiers et plus promptement aux hommes de bien, sur toutes les questions en général, mais, d’une manière absolue, dans les affaires embrouillées ou prêtant à l’équivoque. Il faut d’ailleurs que ce résultat soit obtenu par la force du discours, et non pas seulement par une prévention favorable à l’orateur. Il n’est pas exact de dire, comme le font quelques-uns de ceux qui ont traité de la rhétorique, — que la probité de l’orateur ne contribue en rien à produire la persuasion ; mais c’est, au contraire, au caractère moral que le discours emprunte je dirai presque sa plus grande force de persuasion.

V. C’est la disposition des auditeurs, quand leurs passions sont excitées par le discours. Nous portons autant de jugements différents, selon que nous anime un sentiment de tristesse ou de joie, d’amitié ou de haine. C’est le seul point, nous l’avons dit[1], que s’efforcent de traiter ceux qui écrivent aujourd’hui sur la rhétorique. Nous entrerons dans le détail à cet égard, lorsque nous parlerons des passions[2].

VI. Enfin, c’est par le discours lui-même que l’on

  1. Chap. 1er , § 4.
  2. C’est le sujet du livre II.