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plète évidence au moyen de choses obscures, c'est le fait d'un esprit qui est incapable de discerner ce qui est ou n'est pas notoire de soi. C'est là du reste une erreur très concevable, et il n'est pas malaisé de s'en rendre compte. Que quelqu'un qui serait aveugle de naissance s'avise de parler des couleurs, il pourra bien sans doute prononcer les mots ; mais nécessairement il n'aura ps la moindre idées des choses que ces mots représentent. §12.[1] De même, il y a des gens qui s'imaginent que la nature et l'essence des choses que nous voyons dans la nature, consiste dans l'élément qui est primitivement dans chacun de ces choses, sans avoir par soi-même aucune forme précise. Ainsi, pour ces gens-là, la nature d'un lit, c'est le bois dont il est fait ; la nature d'une statue, c'est l'airain qui la compose. §13.[2] La preuve de ceci, au dire d'Antiphon, c'est que si on enfouissait un lit dans la terre, et que la pourriture eût assez de force pour en faire encore sortir un rejeton, ce n'est pas un lit qui serait reproduit mais du bois, parce que, disait-il l'un n'est qu'accidentel, à savoir une certaine disposition matérielle qui est conforme aux règles de l'art, tandis que l'autre est la substance vraie qui demeure, tout en étant continuellement modifiée par les changements. Et Antiphon ajoutait que, chacune des choses que nous voyons soutenant avec

  1. De même, il ya des gens, le texte n'est peut-être pas tout aussi précis. - L'élément qui est primitivement, c'est-à-dire, la matière dont la chose est formée.
  2. Au dire d'Antiphon, voir plus haut Livre I, ch. 2, §6, où Antiphon est déjà cité.