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aucun sentiment du temps écoulé, parce qu’ils réunissent l’instant qui a précédé leur sommeil à l’instant où ils se réveillent, et n’en font qu’un en supprimant tout l’intervalle de temps intermédiaire qu’ils n’ont pas perçu. Ainsi de même qu’il n’y aurait pas de temps à proprement parler, si l’instant n’était pas autre et que ce fût un même et seul instant, de même aussi, quand on ne s’aperçoit pas que l’instant est autre, il semble que tout l’intervalle écoulé n’est plus du temps. Si donc le temps nous échappe et est supprimé pour nous, quand nous ne discernons aucun changement, et que notre âme semble demeurer dans un instant unique et indivisible ; et si, au contraire, lorsque nous sentons et discernons le changement, nous affirmons qu’il y a du temps qui s’est écoulé, il en résulte évidemment qu’il n’y a du temps pour nous qu’il la condition du changement et du mouvement. Ainsi, il est incontestable que le temps n’est pas le mouvement, et également, que sans le mouvement le temps n’est pas possible.

C’est en partant de ce principe que nous saurons, dans notre recherche sur la nature du temps, ce qu’il est par rapport au mouvement. Nous percevons tout ensemble et le temps et le mouvement ; mais le mouvement n’a pas besoin d’être extérieur ; et l’on a beau être plongé dans les ténèbres, le corps a beau être dans une impassibilité complète, il suffit qu’il y ait un certain mouvement dans notre âme, pour que nous ayons aussitôt la perception d’un certain temps écoulé. Réciproquement, du moment qu’il y a eu du temps, il semble aussi du même coup qu’il a dû y avoir du mouvement. Par conséquent, ou le temps est le mouvement, ou du moins il est quelque chose : du mouvement ; mais comme il vient d’être prouvé qu’il