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autres, pas plus que dans la ligne le point ne peut tenir au point. Mais si l’instant ne peut avoir péri durant l’instant qui tient à lui, il faut qu’il ait péri dans un autre instant ; et, dès lors, il aura pu coexister, avec les instants intermédiaires qui sont en nombre infini ; or, nous venons d’établir que jamais deux instants ne peuvent coexister, et nous devons conclure que l’instant ne périt pas, comme on se l’imagine.

Mais, d’autre part, il n’est pas plus possible que ce soit le même instant qui demeure éternellement et subsiste toujours le même ; car l’instant est une limite, et dans les choses divisibles et finies, comme l’est une portion de temps prise arbitrairement, un mois, une année, il faut qu’il y ait au moins deux limites, soit que d’ailleurs le divisible et le continu que l’on prend ait une seule dimension comme la ligne, soit qu’il en ait plusieurs comme la surface ou le solide. Donc l’instant ne peut pas être un et toujours le même, puisqu’on ne peut pas limiter le temps, sans qu’il y ait au moins deux instants, l’un au début et l’autre à la fin. Enfin cette prétendue unité de l’instant, toujours le même, mène à cette autre absurdité que tous les faits antérieurs et postérieurs seraient dans le même instant. Coexister chronologiquement et n’être ni antérieur ni postérieur, c’est être dans le même temps, et par conséquent dans le même instant ; or, si les faits antérieurs et les faits postérieurs coexistent dans le même instant, alors, il faut admettre que ce qui s’est passé il y a dix mille ans est contemporain de ce qui se passe à l’heure où nous sommes ; et, par suite, il n’y a plus rien qui soit postérieur ou antérieur à quoi que