Page:Aristote - Physique (Saint-Hilaire), 1862, Tome 1.djvu/307

Cette page n’a pas encore été corrigée

ne restant pas plus qu’elle dans le même lieu, et allant où elle va. Il faudrait donc un espace pour l’espace, un lieu pour le lieu ; ce qui est absurde. Enfin, si l’espace est la matière et la forme des choses, il faudrait dire que l’espace périt, puisque le corps qui se change en un autre, par exemple, l’air se changeant en eau, périt si bien qu’il n’est plus dans le même lien, l’eau allant en bas et l’air allant en haut. Mais qui pourrait comprendre cette prétendue destruction de l’espace ? Et le lieu ne subsiste-t-il pas toujours, même quand les choses qu’il contenait sont détruites ?

Tels sont quelques-uns des arguments qui démontrent l’existence réelle de l’espace, et qui peuvent nous en faire concevoir la nature et l’essence.


V.


Pour bien comprendre cette nature de l’espace, il faut faire attention aux différents sens dans lesquels on peut dire qu’une chose est dans une autre. J’en distingue huit, qui sont séparés par des nuances assez délicates bien que positives. Ainsi, l’on dit d’abord que le doigt est dans la main, pour dire qu’il fait partie de la main ; et d’une manière générale, la partie est dans le tout. Par une acception inverse, on dit aussi que le tout est dans les parties ; car, sans les parties, le tout n’existe pas et il n’est rien. Dans un troisième sens, on dit que l’homme est dans l’animal ; et, en généralisant cette expression, que l’espèce est dans le genre. Réciproquement, on dit que le genre est dans l’espèce, c’est-à-dire que le genre se retrouve nécessairement dans la définition de l’espèce.