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Ceci nous conduit faire contre Platon une critique, qui nous éloigne un peu de notre sujet ; mais nous espérons qu’on nous pardonnera cette digression. Pourquoi les Idées et les nombres ne seraient-ils pas aussi quelque part dans l’espace, puisque, d’après Platon, l’espace est le récipient universel des choses, que d’ailleurs ce récipient qui participe aux Idées soit le grand et le petit, termes par lesquels il désigne l’infini, ou qu’il soit la matière, comme il est dit dans le Timée ? Il semble que les Idées devraient avoir aussi dans son système une place et un lieu, puisque les choses qui en participent ont un certain lieu elles-mêmes.

Mais je poursuis, et je reviens à prouver par de nouveaux arguments que l’espace ne peut être ni la matière ni la forme des choses. S’il l’était en effet, comment un corps pourrait-il être porté dans le lieu qui lui est propre d’après les lois de la nature, comme les corps graves vont en bas et les corps légers vont en haut ? Si les corps cherchent leur lien, c’est qu’ils ne l’ont pas ; cependant ils ont leur matière et leur forme, et par conséquent leur lieu ou l’espace ne se confond ni avec la forme ni avec la matière. De plus, il n’y a point de lieu pour ce qui n’a point de mouvement, soit en haut soit en bas ; or, la forme et la matière n’ont point de mouvement, et c’est dans ces différences que consiste l’espace. Autre argument. Si l’espace est la matière et la forme des choses, alors il se confond avec elles, et il est dans l’objet même et non plus eu dehors ; par conséquent, l’espace est dans l’espace, puisqu’un corps est toujours et nécessairement dans un lieu ; car la forme et l’indéterminé, que je confonds avec la matière, se meuvent et changent de place avec la chose,