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Mais ce mot de nature peut avoir un double sens, selon qu’on veut désigner par là la matière des choses ou leur forme. Or, la forme étant une fin, et tout le reste s’ordonnant toujours en vue de la fin et du but, on peut dire que la forme est le pourquoi des choses et leur cause finale. Mais il y a chance d’erreur dans les productions de la nature, comme dans celles de l’art ; et de même qu’un grammairien, malgré sa science, peut faire une faute de langue, et que le médecin, malgré son habileté, peut donner une potion contraire, de même aussi l’erreur peut se glisser dans les êtres que la nature produit. Si, dans le domaine de l’art, les choses qui réussissent soin faites en vue d’une fin ; et si, dans celles qui échouent, la faute en est à l’art, qui a fait un effort inutile pour parvenir au but qu’il poursuivait, il en est de même pour les choses naturelles ; et, dans la nature, les monstres ne sont que des déviations de ce but vainement cherché. Si donc ces organisations primitives, ces créatures moitié bœuf, moitié homme, dont nous parlions tout à l’heure d’après Empédocle, n’ont point vécu parce qu’elles ne pouvaient arriver à un certain but et à une fin régulière, c’est qu’elles se produisaient par un principe altéré et corrompu, comme les monstres se produisent encore aujourd’hui par la perversion de la semence et du germe. Encore au milieu de tous ces hasards, faut-il admettre une certaine constance, qui fait que le germe a toujours été le premier, et que ces animaux prodigieux ne pouvant naître tout d’un coup, c’est toujours "cette matière indigeste et universelle" dont on nous parle, qui en a été le germe primitif. Dans les plantes mêmes, il y a bien aussi un pourquoi tout à fait analogue ; seulement, il est moins distinct ;