Page:Aristote - Physique (Saint-Hilaire), 1862, Tome 1.djvu/250

Cette page n’a pas encore été corrigée

est faite pour la nature. En général, l’art fait des choses que la nature ne saurait faire ; ou parfois aussi il prend la nature pour modèle de ses imitations. Or, si les choses de l’art ont une fin et un pourquoi, on doit en conclure, à bien plus forte raison, que les choses de la nature en ont aussi une. C’est là une vérité de toute évidence, de même qu’il est également évident que, soit dans les choses de la nature, soit dans les choses de l’art, les faits qui sont postérieurs, sont toujours dans un rapport pareil avec ceux qui sont antérieurs ; les moyens répondent à la fin dans l’un et l’autre cas. Cette vérité éclate surtout dans les animaux autres que l’homme, qui font ce qu’ils font sans qu’on puisse supposer qu’ils agissent ni par les règles de l’art, ni après étude, ni après réflexion, comme l’homme peut le faire. C’est là ce qui fait qu’on s’est souvent demandé si les fourmis, les araignées et tant d’autres bêtes industrieuses, n’exécutent pas leurs étonnants travaux à l’aide de l’intelligence ou de telle autre faculté non moins noble, au lieu d’un aveugle instinct. En descendant quelques degrés dans l’ordre des êtres, on voit que dans les plantes elles-mêmes se produisent toutes les conditions qui concourent à leur fin ; et, par exemple, les feuilles y sont certainement faites pour protéger le fruit. Si donc c’est par une loi de la nature, et en vue d’une fin précise, que l’hirondelle fait son nid, et l’araignée sa toile ; si les plantes poussent leurs feuilles en vue de leur fruit, comme elles projettent encore leurs racines en bas et non point en haut, pour se nourrir dans le sein fécond de la terre, il est de la dernière évidence qu’il y a une cause analogue et de même ordre dans tous les êtres, et dans tous les phénomènes de la nature.