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des choses comme si elles n’existaient qu’en vue de nous ; car nous pouvons bien nous regarder comme une sorte de fin, et comme le pourquoi de toutes les choses que l’art fabrique pour notre utilité. D’ailleurs, le pourquoi peut s’entendre de deux façons, ainsi que nous l’avons expliqué dans nos livres intitulés : De la philosophie. Mais je continue, et je dis qu’il y a deux espèces d’arts qui commandent à la matière et qui en jugent : l’un, employant les choses, et l’autre, dirigeant l’industrie qui les façonne, comme un habile architecte dirige ses ouvriers. Ce n’est pas que celui qui emploie les choses et les juge selon qu’elles lui servent, ne joue aussi le rôle d’architecte dirigeant, puisqu’il demande les choses telles qu’il les lui faut ; mais il y a ici cette différence entre les deux arts, que l’un, celui qui juge l’usage, ne s’occupe que de la forme, tandis que l’autre, celui qui façonne les choses, ne s’occupe guère que de la matière. J’éclaircis ma pensée par un exemple : le pilote qui emploie le gouvernail sur le navire, sait quelle en doit être la forme et il la commande ; mais le constructeur sait de quel bois le gouvernail doit être fait, et quels sont les services et les manœuvres qu’on en attend. Du reste une différence encore plus grande entre l’art et la nature, c’est que dans les produits de l’art, c’est nous qui façonnons la matière en vue de l’usage à laquelle nous la destinons ; mais dans les choses de la nature, la matière est toute faite.

Enfin, ce qui prouve bien que la Physique doit tout ensemble étudier la forme et la matière, c’est que ce sont là des relatifs, puisque la matière varie avec la forme, et qu’à une forme différente correspond aussi une autre matière ; et une science ne peut connaître un des relatifs