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pour ces gens-là, la nature d’un lit, c’est le bois dont il est fait ; la nature de la statue, c’est l’airain dont elle est composée. Antiphon donnait de ceci une preuve assez plaisante ; et il disait que, si l’on enfouissait un lit en terre, et que la putréfaction eût encore assez de force pour en faire sortir un rejeton, ce ne serait pas un lit qui serait produit, mais du bois. A l’entendre, c’est qu’il y a dans le lit deux parties distinctes : l’une, qui est purement accidentelle, et qui est une certaine disposition matérielle conforme aux règles de la menuiserie ; l’autre, qui est la substance vraie du lit, laquelle demeure sous les changements et modifications qu’elle peut subir. Antiphon tirait de là une conclusion générale ; et remarquant que toutes les choses que nous voyons soutiennent le même rapport à l’égard d’autres choses, l’or et l’airain, par exemple, à l’égard de l’eau, ou bien les os et les bois à l’égard de la terre, etc., etc., il affirmait sans hésiter que c’est bien là ce qu’il faut entendre par la nature et la substance des choses. C’est en suivant des idées analogues que certains philosophes ont cru que la nature des choses, c’est la terre, le feu, l’air ou la réunion de plusieurs de ces éléments, ou de tous ensemble. L’élément unique ou les éléments multiples dont chacun de ces philosophes admettait la réalité et l’intervention, devenaient entre ses mains la substance unique ou multiple de l’être lui-même, et tout le reste n’était plus qu’affections, qualités, dispositions de cette substance. On ajoutait que cette substance est éternelle, attendu qu’elle n’a pas en elle-même de cause spontanée de changement, tandis que tout le reste naît et périt des infinités de fois.