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une ; et si quelque philosophe se borne à reconnaître la dyade composée du grand et du petit, il ne se trompe pas moins que ceux dont nous venons de parler, puisqu’il oublie toujours dans l’être cette partie qui est la privation.

On conçoit du reste aisément cet oubli. La partie de l’être qui subsiste concourt, comme une mère en quelque sorte, à produire avec la forme tous les phénomènes qui adviennent. Mais quant à l’autre partie qui constitue l’opposition des contraires, c’est-à-dire l’opposition de la matière et de la forme, on peut bien croire qu’elle n’existe pas, si l’on se borne à la regarder par son côté destructif, puisque la privation tend à détruire les choses. En effet, comme il y a dans les choses un élément divin, excellent et désirable, nous reconnaissons volontiers qu’entre nos deux principes, la matière et la privation, le dernier est, on peut dire, contraire à cet élément divin, tandis que le premier est fait par sa propre nature pour le rechercher et le désirer. Mais dans les théories que nous combattons, on est amené à supposer que le contraire désire sa propre destruction. Cependant, il est également impossible et que la forme se désire elle-même, puisqu’elle n’a aucune défectuosité ni rien qui lui manque, et que le contraire la désire, puisque les contraires se détruisent mutuellement. Or, c’est là précisément le rôle de la matière ; et l’on pourrait dire métaphoriquement que c’est comme la femelle qui tend à devenir mâle, ou le laid qui tend à devenir beau. Mais la matière n’est pas le laid en soi ; elle ne l’est qu’indirectement ; et elle n’est pas davantage la femelle en soi ; elle ne l’est que par accident, et à cause de la privation qu’elle subit. À un certain point de vue, la matière naît et périt ; et à un autre point de vue, on