Page:Aristote - Physique (Saint-Hilaire), 1862, Tome 1.djvu/193

Cette page n’a pas encore été corrigée

chair est limitée dans les deux sens en grandeur et en petitesse. On arrivera donc par des soustractions successives à une certaine quantité de chair qui sera la plus petite possible, et l’on ne pourra plus en rien retrancher, puisque la partie qu’on en retrancherait serait nécessairement moindre que la plus petite quantité possible ; ce qui ne se peut pas non plus. Puis ensuite, dans ces corps qu’on suppose infinis, il y a des éléments infinis aussi et séparés entr’eux, de la chair, du sang, de la cervelle ; et chacun de ces éléments pris à part est infini. Mais cela ne peut plus se comprendre, et c’est une théorie dénuée de toute raison. Si, pour échapper à ces impossibilités, on prétend que la séparation des éléments ne pourra jamais être définitive, c’est là sans doute une idée juste ; mais on ne s’en rend pas très bien compte en l’employant ici. Les qualités sont, on le sait, inséparables des choses qu’elles déterminent ; et si, par hasard, on suppose qu’elles en sont séparées après y avoir été primitivement mêlées, il s’ensuit que telle ou telle qualité, le blanc, le salubre par exemple, existera par elle-même et substantiellement, sans être même l’attribut de quelque sujet réel. Alors l’Intelligence, dont Anaxagore a fait un si pompeux éloge, court grand risque de tomber dans l’absurde en essayant de réaliser des impossibilités. Et c’est là ce qu’elle tente cependant en voulant faire une séparation des choses qui n’est possible ni en quantité ni en qualité : en quantité, parce qu’on en arrive de subdivision en subdivision à une quantité qui est la plus petite possible ; en qualité, parce que les affections et les qualités des choses en sont absolument inséparables.

Une dernière objection contre les théories d’Anaxagore,