Page:Aristote - Physique (Saint-Hilaire), 1862, Tome 1.djvu/164

Cette page n’a pas encore été corrigée

Laplace lui-même aurait pu s’en apercevoir, s’il avait eu l’occasion de comparer ce qu’il dit du temps et de l’espace avec ce qu’en avait dit Aristote quelque deux mille ans avant lui. « On imagine, dit Laplace, un espace sans bornes et pénétrable à la matière pour concevoir le mouvement. » Aristote était bien autrement dans le vrai, quand il s’appliquait à démontrer l’existence de l’espace, et à en scruter la nature, en analysant si profondément cette notion de l’intelligence humaine. Il eût été fort étonné sans doute qu’on réduisit l’espace à n’être qu’une création toute arbitraire de notre imagination ; et nous ne devons pas en être moins étonnés à notre tour, même après les paradoxes de Kant. L’espace n’est pas imaginaire ; et il l’est si peu qu’il s’impose nécessairement à notre raison, tout incapable qu’elle est de le mesurer et même de le comprendre dans son infinité. L’infinité de l’espace, l’éternité de la durée sont des conceptions nécessaires de l’entendement ; et Newton, loin de les nier, les a affirmées comme des faits aussi certains et au même titre que les axiomes mathématiques. L’espace d’ailleurs, si nous ne pouvons le sonder dans ses profondeurs incommensurables, n’en est pas moins devant nos yeux ; et il est en quelque sorte