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qui n’ont cessé d’en entretenir leurs compatriotes ; et c’est ainsi qu’au milieu de la plus cruelle servitude, malgré l’abjection et l’ignorance, qui accompagnent toujours une si misérable condition, des traditions de gloire et de grandeur, et l’espérance d’un avenir plus heureux, se sont conservées sans cesse au milieu de ce peuple infortuné.

Si les voeux, que forment depuis plusieurs siècles tout ce qu’il y a eu chez les nations civilisées d’hommes amis de la justice et de l’humanité, sont enfin exaucés, si le jour de l’indépendance luit enfin pour ceux qui prodiguent aujourd’hui leur sang et leur fortune avec tant d’enthousiasme pour conquérir leur liberté, qui peut dire quelles destinées sont réservées à un peuple capable de tant de constance et d’efforts si unanimes ? qui peut dire ce qu’il saura recouvrer de trésors du génie, et de monuments des arts, dans ces ruines qui jusqu’à présent semblent d’une fécondité inépuisable ?

Je n’ai que peu de mots à ajouter sur la traduction que je publie en ce moment. Si l’on ne saurait dire que ce soit la première fois que la morale d’Aristote paraît en français, au moins ceux qui auront occasion de parcourir la traduction qui fut publiée en 1644, par Charles Catel, conseiller au Parlement de Toulouse, s’apercevront facilement qu’elle n’a pu m’être d’aucune utilité. Quant aux versions en langues étrangères, comme celle du docteur Gillies, en anglais, et celle de Garve, en allemand, je les ai quelquefois consultées dans les endroits obscurs et difficiles. Mais on sent assez que rien n’a pu m’être plus utile que les conseils de mon respectable ami, le docteur Coray : qu’il me soit permis d’exprimer ici toute la reconnaissance que je lui dois, pour la peine qu’il a prise de revoir mon livre à mesure qu’il s’imprimait, et de m’aider à en faire disparaître le plus de fautes qu’il m’a été possible. Il m’est doux aussi de rappeler ce que je dois au noble désintéressement et à l’empressement généreux avec lequel mes amis, MM. Didot, père et fils, ont bien voulu me seconder dans cette entreprise.


Paris, 27 août 1823.