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avaient pu dérober à l’avidité de leurs assassins. Eh ! quel cœur, s’il n’est pas entièrement fermé à tout sentiment d’humanité, pourrait ne pas sympathiser avec des maux, dont la seule pensée effraie l’imagination !

Mais, si l’on ne peut espérer de soulager que quelques individus, peut-on se défendre de porter le plus ardent intérêt à la cause sacrée que soutient avec un si noble héroïsme la nation grecque toute entière ? Quel peuple sur la terre peut avoir plus de droits à l’intérêt des nations civilisées de l’Europe, que celui aux ancêtres duquel elles doivent leurs arts, leurs sciences, en un mot, tout ce qu’il y a chez elles de grand et d’honorable ?

Car, il ne faut pas se le dissimuler, sans ces mêmes Grecs, dont la postérité lutte sous nos yeux, avec une constance et un courage si admirables, contre la rage de ses tyrans, nous serions probablement encore plongés nous-mêmes dans les ténèbres de la barbarie. C’est dans cette terre privilégiée que brilla, pour la première fois, la pure lumière des arts, des sciences et de la raison ; c’est elle aussi qui, conservant quelques étincelles de ce feu sacré, le transmit aux peuples occidentaux, lorsque les stupides Ottomans menaçaient de l’éteindre dans un déluge de sang.

Et qu’on ne dise pas que c’est à tort que les Grecs de nos jours se vantent d’être les descendants de ceux qui nous ont transmis les glorieux monuments de leur génie, de leur sagesse et de leur vertu. Il n’y a pas de preuve plus authentique de l’origine et de la descendance d’un peuple à l’égard d’un autre, que l’identité du langage. Or, celui que parlent les Hellènes de nos jours se compose, en presque totalité, des mêmes mots et des mêmes formes grammaticales que l’on retrouve dans les poèmes d’Homère et de Sophocle, dans les écrits de Platon et de Démosthènes. Jamais sur la terre qu’ils hiabitent, on n’a parlé un autre idiome que celui de ces grands hommes. Quelques altérations qu’aient subies la syntaxe et la prononciation de l’an-’ cienne langue grecque, dans les siècles de barbarie, jamais les chefs-d’œuvre qui nous en restent n’ont cessé d’être compris et médités dans leur sol natal, au moins par quelques hommes,