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portait vers les plus grossières jouissances des sens, n’ont pas manqué de se dire ou de se croire partisans de la doctrine d’Épicure. Ce fut, à la vérité, un prétexte plutôt qu’une raison ; mais une saine philosophie ne doit ni ne peut fournir de pareils prétextes.

Un tort non moins réel de la doctrine morale d’Épicure, c’est que la réalité et l’immuabilité des distinctions morales y aient été entièrement méconnues ; et que la justice et les vertus qu’elle comprend ou dont elle suppose l’existence, y soient regardées comme fondées uniquement sur des conventions, c’est-à-dire, n’aient qu’une base tout-àfait arbitraire ; ce qui est ramener le fameux adage des sophistes, qu’il n’y a de bien ou de mal, de vice ou de vertu, que par l’effet des lois, ou que ce quelles déclarent bien et mal : maxime subversive de tout ordre et de toute sécurité dans les sociétés humaines, et réfutée d’une manière si éloquente et si victorieuse, par Platon, comme nous l’avons déjà fait remarquer.

Enfin Épicure eut tort encore, sous prétexte de vouloir prévenir les calamités qu’enfante la superstition, de s’attacher à détruire la croyance à une providence, à une sorte de gouvernement moral de Dieu sur l’univers. En premier lieu, cette pensée est peu philosophique, parce que ce serait une témérité insensée que de vouloir anéantir un genre