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soit accompagné et, pour ainsi dire, mêlé de quelque plaisir : or, entre les actes conformes à la vertu, ceux qui sont dirigés par la sagesse sont incontestablement ceux qui nous causent le plus de joie ; et, par conséquent, la sagesse semble comprendre en soi les plaisirs les plus ravissants par leur pureté et par la sécurité[1] qui les accompagne ; et il n’y a pas de doute que les hommes instruits passent leur temps d’une manière plus agréable que ceux qui cherchent et qui ignorent.

D’un autre côté, ce qu’on a appelé la condition de se suffire à soi-même se trouve surtout dans la vie contemplative : car l’homme juste et sage a besoin, comme tous les autres hommes, de se procurer les choses nécessaires à l’existence ; mais, entre ceux qui en sont suffisamment pourvus, l’homme juste a encore besoin de trouver des personnes envers qui et avec qui il puisse pratiquer la justice, et il en sera de même de celui qui est tempérant ou courageux, ou qui possède telle ou telle autre vertu particulière ; au lieu que le sage, même dans l’isolement le plus absolu, peut encore se livrer à la contemplation, et le peut d’autant plus qu’il a plus de sagesse. Peut-être néanmoins le pourrait-il mieux s’il associait d’autres personnes à ses travaux ; mais il est pourtant de tous les hommes celui qui peut le plus se suffire à lui-même. D’ailleurs,

  1. « Pureté, parce qu’elle est entièrement détachée de la matière ; sécurité ou solidité, parce qu’elle s’applique à des objets constants et immuables. ». (Paraphr.)