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car le jeu est une sorte de délassement, et l’on en a besoin, parce qu’où ne peut pas travailler sans cesse. Mais le délassement n’est pas un but, puisqu’au contraire, il est une préparation à l’action. D’ailleurs, on regarde ordinairement comme heureuse une vie conforme à la vertu ; or, une telle vie est accompagnée de travail et d’étude, et ne se compose pas toute de divertissements ou de frivoles jeux. L’on dit encore, en général, que les choses sérieuses valent mieux que celles qui ne sont que plaisantes ou amusantes ; et l’on regarde les actes de la partie de notre être la plus précieuse[1], ou ceux de l’homme le plus estimable, comme des actes plus sérieux ; or, ce qui appartient à un être plus digne d’estime et meilleur, est dès-lors plus précieux et plus propre à nous rendre heureux. Enfin, tout individu, quel qu’il soit d’ailleurs, même un esclave, est aussi capable de jouir des plaisirs des sens que l’homme le plus vertueux. Mais nul homme ne peut faire entrer un esclave en partage du bonheur[2], s’il ne lui fait adopter aussi le genre de vie qui le donne ; car ce n’est pas dans de tels

  1. Celle qui, suivant notre philosophe, est le siége de la raison. Voyez. l. i, c. 13 ; l. 6, c. 1 et 5 ; et la Politique, l. 7, c. 13.
  2. Aristote explique, dans la Politique (l. 7, c. 13), pourquoi un esclave ne peut jamais être heureux, et très-rarement être vertueux : c’est qu’il ne s’appartient pas à lui-même, et que, suivant un proverbe grec qu’il cite à cette occasion, « Il n’y a point de loisir pour un esclave. »