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est de même de ceux qui aiment la poésie, l’architecture, ou tout autre genre de travaux et d’occupations ; chacun d’eux fait des progrès, ou obtient des succès, dans le genre auquel il s’applique, parce qu’il y trouve du plaisir. Ce plaisir s’accroît donc en même temps [que le talent qu’il perfectionne] : or, les choses qui ont un progrès commun, ont entre elles une union naturelle ; et si les unes diffèrent d’espèce, les autres en différeront également.

Ceci paraîtra plus évident encore par la difficulté qu’on trouve à exécuter les actes d’une espèce, quand on est vivement touché des plaisirs d’une espèce différente. Car ceux qui aiment à entendre jouer de la flûte, ne peuvent être attentifs à la conversation, pendant que quelqu’un joue de cet instrument, prenant plus de plaisir à ce dernier genre d’action qu’à celle qu’ils font actuellement. Le plaisir que leur donne l’art du joueur de flûte dégrade donc et corrompt, pour ainsi dire, en eux l’action de la conversation. La même chose a lieu, dans d’autres circonstances, lorsqu’on s’occupe de deux choses à la fois : car celle qui plaît davantage détourne notre attention de l’autre, et cela d’autant plus que le plaisir que nous donne la première est plus grand ; de sorte que nous sommes tout-à-fait inertes, s’il le faut ainsi dire, par rapport à l’autre. Voilà pourquoi, quand une chose nous cause un plaisir très-vif, nous ne pouvons nous décider à en faire une autre ; et quand nous ne sommes que médiocrement intéressés par certains objets, nous faisons volontiers autre chose, comme il arrive à