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faite, pour chaque individu, cette vie que la nature lui rend si désirable. Mais est-ce le plaisir qui fait aimer la vie, ou la vie qui fait aimer le plaisir ? Nous n’examinerons point cette question, quant à présent ; car ces deux choses semblent unies par un lien indissoluble, puisqu’il n’y a point de plaisir sans action, et que c’est le plaisir qui donne à tous nos actes leur degré de perfection.

V. C’est pour cela qu’il semble y avoir différentes sortes de plaisirs, parce que nous croyons que les actes d’espèces diverses ne peuvent être exécutés que par des moyens différents, ainsi qu’on le voit dans les objets de la nature et dans ceux de l’art, comme animaux, arbres, tableaux, statues, palais, vases ou meubles. De même, il semble que les diverses espèces d’actions ne peuvent s’exécuter avec perfection que par des facultés d’espèce différente. Or, les actes de l’intelligence diffèrent de ceux des sens, et [dans chaque genre] ils diffèrent d’espèce, les uns à l’égard des autres, et, par conséquent aussi, les plaisirs, qui les rendent parfaits. C’est ce qu’on peut voir par l’union intime qui existe entre les divers plaisirs et chacun des actes à la perfection desquels ils contribuent, puisque le plaisir qui se joint à un acte lui donne un nouveau degré d’énergie. Car on juge mieux des choses, et on les exécute avec plus de précision et de succès, quand on y trouve du plaisir. Ainsi, ceux qui trouvent du plaisir à l’étude de la géométrie, deviennent plus habiles géomètres ; ils saisissent et comprennent mieux les détails [d’une démonstration]. Il en