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non pas quand ils viennent d’une telle cause ; comme il est agréable de posséder des richesses, mais non quand on les a acquises par la trahison, et d’avoir de la santé, mais non pas quand on mange tout ce qui se présente. Enfin, on pourrait dire qu’il y a des plaisirs d’espèces différentes ; qu’il y en a qui viennent d’une cause honorable et belle, et d’autres d’une cause infâme et honteuse, et que celui qui n’est pas juste ne saurait goûter la volupté de l’homme juste ; ni celui qui n’est pas musicien, la volupté du musicien habile, et ainsi des autres.

La différence qu’il y a entre l’ami et le flatteur semble même montrer plus sensiblement que la volupté n’est pas le bien, ou du moins qu’elle n’est pas de la même espèce, puisque l’un n’envisage, dans le commerce de l’amitié, que le bien véritable, tandis que l’autre ne songe qu’au plaisir, et qu’on blâme l’un, tandis qu’on loue l’autre, comme cultivant l’amitié dans des vues entièrement différentes. Il n’y a même personne qui consentît à n’avoir toute sa vie que la raison et l’intelligence d’un enfant, se livrant aux jouissances que l’on croit être le plus agréables à cet âge ; ou qui voulût se plaire à faire des choses infâmes, quand même il ne devrait jamais en résulter de peine pour lui. Un grand nombre de choses pourraient même encore nous intéresser, dussent-elles ne nous procurer aucun plaisir, comme voir, se ressouvenir, avoir de la science, des vertus. Et il n’importe pas que le plaisir accompagne toujours nécessairement ces divers actes de nos facultés ; car nous les préfére-