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formé, et le chagrin, ou la peine, est la corruption de ce dont le plaisir a été la génération.

On dit aussi que la peine est une privation de ce qui est conforme à la nature, et que le plaisir en est une satisfaction complète[1] ; mais ce sont là des affections du corps. D’ailleurs, si le plaisir est la satisfaction complète d’un besoin naturel, il faudra donc que ce qui reçoit cette satisfaction ressente aussi le plaisir ; et, dans ce cas, ce sera le corps : cela ne semble pas probable. La volupté n’est donc pas une telle satisfaction ; mais il serait possible qu’on éprouvât de la joie, quand cette satisfaction se produit ou s’opère, et qu’on ressentît de la peine, quand elle devient un besoin[2]. D’ailleurs, cette opinion vient, selon toute apparence, des sensations agréables ou pénibles que nous donne le besoin de nourriture, parce que, lorsque ce besoin se fait sentir, et que nous le satisfaisons, une joie vive succède à la peine que nous avions éprouvée d’abord. Mais cela n’a pas lieu à l’occasion de tous les plaisirs : car ceux que nous procure l’instruction ne sont

  1. Littéralement « une plénitude », ou plutôt l’acte par lequel s’opère cette plénitude (ἀναπλήρωσις).
  2. Littéralement : " Et qu’un homme qui se coupe, ou à qui on fait une amputation (τεμνόμενος), ressentît de la peine, » ce qui ne semble avoir aucun rapport avec le sens général de la phrase. On. peut voir, au reste, la note de Mr Zell sur cet endroit. Mr Coray pense qu’on pourrait substituer δεόμενος à τεμνόμενος, et c’est cette correction que j’ai adoptée dans la traduction.